[DOSSIER K-GEN] Le problème du harcèlement sexuel à l’école en Corée du Sud

Les cas de harcèlement sexuel à l’école en Corée du Sud continuent de se multiplier malgré l’avancée du mouvement #MeToo dans le pays en 2018.

L’année dernière, le mouvement #MeToo a été très présent en Corée du Sud, en particulier dans le monde du divertissement, permettant de condamner des personnalités et des célébrités coupables de harcèlement ou d’agressions sexuelles.

L’année dernière, le hashtag le plus utilisé en Corée du Sud sur l’ensemble de l’année n’a pas été #MeToo, mais #SchoolMeToo, un hashtag permettant aux étudiants et étudiantes de parler du harcèlement sexuel vécu au quotidien dans leur école.

Pourtant, en 2019, de trop nombreux cas de harcèlement sexuel sont encore recensés dans les écoles, et les étudiant(e)s commencent à ne plus oser faire entendre leurs voix car le mouvement s’essouffle, les élèves s’exposant à de plus en plus de représailles quand ils osent avouer être victimes de harcèlement ou d’attouchements sexuels de la part d’autres étudiants ou de professeurs.

A ce sujet, The Korea Herald a récemment recueilli le témoignage de Kim Na Yoon, une jeune étudiante de 16 ans qui vivait à Busan à 2018.

Il y a près d’un an, la jeune fille avait rassemblé son courage pour révéler qu’elle était victime de harcèlement sexuel à l’école, mais rien ne change dans les écoles selon elle.

« Il y a des vagues de changement dans la société, mais elles sont refusées, et rien ne change dans les écoles », a-t-elle déclaré.

Lors de sa dernière année de collège en 2018, Kim Na Yoon s’est rendue compte que ses amis garçons faisaient beaucoup de blagues sexuelles à son sujet dans son dos depuis un moment. Elle a alors commencé à être terrifié à la simple idée d’aller au collège, refusant de faire face à ces garçons qui ne la voyaient que comme un objet sexuel.

Quand elle a réussi à en parler à un professeur, on lui a dit de ne pas en parler et on lui a reproché de réagir de manière excessive. De même, quand elle est allée voir la police, les autorités lui ont dit de laisser tomber par manque de preuve. Les parents des élèves en questions et leurs amis l’ont alors forcée à accepter de simples excuses des garçons, et les choses se sont arrêtées là.

Depuis, Kim Na Yoon a déménagé, mais elle fait toujours des cauchemars, et on continue de s’en prendre à elle pour avoir osé dénoncer ce dont elle était victime.

« Les adultes m’ont dit que les garçons de cet âge ont tendance à faire ce genre de blague et que je n’avais qu’à les ignorer. Je m’en suis voulue pendant longtemps. Je pensais que j’étais bizarre et trop sensible. On m’a dit que mon corps était trop mature et qu’il était donc normal que je sois la cible de blagues et de remarques sexuelles. En été, je portais même de longues manches et de longs pantalons pour tenter de cacher mon corps », a révélé la jeune fille.

Alors que le Ministère de l’Éducation réfléchit aux mesures efficaces à prendre pour lutter contre ce problèmes, les victimes continuent d’être pointées du doigt quand elles osent prendre la parole dans les écoles, et nombreuses sont les filles qui sont forcées d’accepter les simples excuses de personnes qui les ont tourmentées.

Selon les victimes, les études et les sondages ne changeront rien à la situation, et le gouvernement devrait prendre des mesures claires et fermes pour modifier totalement l’environnement scolaire sud-coréen.

Une lycéenne de 18 ans du nom de Lee Yu Jin a également révélé son cas personnel, déclarant : « J’ai appris que j’étais notée par des garçons. Ils nous donnaient des notes pour notre visage, notre corps, nos charmes, et notre personnalité. J’étais décrite comme une fille avec laquelle il est facile de coucher parce que je viens d’Allemagne. »

Lors d’une assemblée de l’école, cette dernière a alors eu le courage de dénoncer publiquement les garçons en question grâce à la montée en puissance du mouvement #MeToo. Les parents des élèves l’ont alors accusée de tenter de ruiner l’avenir de leurs enfants, et elle a été vue comme la coupable.

Mais cela peut être encore plus inextricable quand cela concerne un professeur.

En effet, certains professeurs promettent d’excellentes notes à des élèves en échange de faveurs sexuelles, d’autres n’hésitant pas à menacer des étudiantes de tout faire pour ruiner leurs chances de rejoindre une bonne école si elle n’acceptent pas de se laisser faire.

Sous le couvert de l’anonymat, une étudiante de 16 ans a révélé : « Je me sentais mal quand le professeur touchait mes bras ou ma taille, et qu’il faisait des blagues sexuelles à mes amies et moi. Il disait qu’il nous donnerait des notes parfaites si on s’asseyait sur ses genoux. Il se vantait que des élèves aillent au karaoké avec lui ou lui fassent des massages. Il nous disait que les filles devaient absolument être sexy. »

Si cette dernière a témoigné après avoir quitté l’école, elle a également reconnu qu’elle aurait eu du mal à le faire en tant qu’élève de l’école, craignant trop pour son avenir.

Selon The Korea Herald, les victimes commencent à se sentir lassées et à avoir de nouveau peur de prendre la parole parce que les choses ne changent pas.

Selon une autre étudiante, « Beaucoup de mes amies ont déjà fait l’expérience du harcèlement sexuel de la part d’autres élèves ou de professeurs. Mais elles choisissent de se taire. C’est la structure sociale qui les fait taire. Je ne peux pas leur demander de parler. Je sais qu’elles devront tout risquer – dont leur futur – pour tenir tête à un professeur. »

Le fardeau mis sur le dos des victimes dans les écoles sud-coréennes est énorme.

Une étudiante a révélé : « Les victimes sont isolées. Mes amies m’ont dit que je ruinais leur chance d’aller à l’université, et les professeurs me disaient que je mettais leur emploi en danger. Et certains jours, j’avais l’impression que la misogynie pouvait me faire tuer. »

Mais la situation devient peu à peu insupportable pour les victimes en Corée du Sud. Un professeur de l’école pour filles de Yonghwa a notamment gardé son emploi et n’a même pas été inquiété par la police malgré les témoignages de 160 étudiantes contre lui.

L’Association des Professeurs Coréens a également récemment demandé au Ministère de l’Éducation d’écrire un manuel sur le niveau de contact physique autorisé avec les élèves, une demande qui a fait hurler les victimes et les étudiantes en général, ces dernières expliquant qu’un professeur n’avait tout simplement pas à toucher ses élèves.

Les groupes féministes sud-coréens ont alors demandé l’aide des Nations Unies face au manque de réaction du gouvernement, et les Nations Unies ont fait une demande officielle auprès du gouvernement coréen pour lui demander un rapport complet sur la situation.

Malheureusement, les choses sont encore loin de changer en dépit de ces efforts, à tel point que plusieurs manifestations de victimes ont déjà eu lieu devant la Maison Présidentielle ces dernières semaines, de nombreuses personnes se rassemblant pour protester et demander que des mesures fermes soient prises pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les écoles.

Source : The Korea Herald